mercredi 14 août 2013

Imposteur ou pas, quelle importance ?

Hum, par rapport au marxisme d'A. Soral : il a sa façon, comme tout le monde, de travestir cette pensée et cette méthode. Lui réduit le marxisme en fonction de son amour fou pour la France, comme le montrent talentueusement des éditoralistes d'Esprit68. Par rapport à son antisémitisme j'en dis que parfois il est accusé grossièrement, de manière abusive et honteuse, mais que d'autres fois son confusionnisme justifie la présence d'une précaution raisonnée et d'une tendance à penser qu'il n'assume pas cet état d'esprit hautement contestable.

Oui, clairement, Soral est judéophobe. Le principe est exactement le même que l'islamophobe Christine Tasin dont on peut lire un article sur Boulevard Voltaire. Bien que la religion soit selon moi définie en substance par une extrême ambivalence, vous lui retirer cette quintessence pour qu'elle ne soit plus que négative. Vous la réduisez à une idéologie dominatrice et répressive et à des traits culturels comme la violence, le machisme, la cupidité, le mensonge tribal, la solidarité dans le vice, etc. De ce fait vous considérez les membres de cette religion comme des victimes de cette dernière et c'est à vous d'insister sur ce que vous respectez ces prétendues victimes si vous ne voulez pas être trop réprouvé. (Les islamophobes sont les bienvenus dans les émissions mais pas les judéophobes : droit d'expression à deux vitesses.)

Soral joue sur la connerie de son public et parfois il se trouve dans des situations d'urgence où il doit le rendre plus intelligent qu'il ne l'est. Je m'explique : quand des militants d'E&R lui font souvent remarquer que « Poutine est allé en Israël » et que donc « c'est un salaud », il doit prendre ce ton « profé-soral » qui sert à faire comprendre que le monde idéologique qu'il a lui-même dessiné et en réalité un monde complexe. Pour s'en sortir dans le rapport tumultueux entre la bêtise et l'intelligence de son public, il joue entre la simplification (vision idéologique du monde) et la complexification paradigmatiques.

Ainsi, parfois, de manière ad hoc, pour arranger ses différents raisonnements ou justifier ses contradictions, il fait des rappels évidents sur l'existentialisme de l'homme et sur la multipolarité du monde (complexification nécessaire à la compréhension de l'homme et du monde) alors que la plupart du temps, tout à fait au contraire, il se révèle essentialiste et bipolaire. Par exemple, il sort des roues de secours quand il est contredit lors d'une conférence à Nice. On lui parle d'intérêts communs entre une poignée d'Américains et de Russes dans le trou du cul de la Sibérie, ce qui aura rapidement pour effet de le vexer dans sonorgueil démesuréL'homme qui a posé la question, il le qualifiera de « petit con » après avoir rappelé de façon intellectualisante :
  • Que l'on est formés à la binarité à travers le système (sûrement le PAF et la presse), donnant une mentalité de pour ou contre, de PSG contre OM, et que la question qui vient de lui être posée, relevant de cette binarité, est donc sans intérêt.
  • Que les phénomènes ont des pluridéterminations = ce qui est expliqué l'est toujours par une conjugaison de facteurs.
  • Que les choses peuvent être partiellement vraies et partiellement fausses en même temps, qu'en d'autres termes la logique dialectique apporte des outils épistémologiques absents de la logique formelle usuelle présentée comme impuissante à décrire le monde (on remarque un discours verbieux, « profé-soral », et je ne suis pas sûr ce soit nécessaire ici, peut-être un procédé persuasif)
Un exemple parmi d'autres. Toute séance « profé-soral » tranche net avec la tendance immodérée d'Alain Soral à bipolsariser un monde qui opposerait deux camps :
  • Le premier camp : l''  « Empire » formé par les E.-U., Israël, la franc-maçonnerie, la classe sociale « parasitaire » qui gagnerait beaucoup en ne participant pas à la production économique et énormément d'idiots utiles de toutes sorties. Ceci par le biais du sionisme activiste et tribaliste, de l'intégrisme néo-conservateur anglo-saxon, du mondialisme, de la finance, du libéralisme libertaire et de la bienpensance hégémonique qui permettrait subtilement des abus de pouvoir de différentes sortes.
  • Le deuxième camp : les nations ayant décidé d'être souveraines plutôt que de se soumettre à l'Empire, les patriotes des nations anti-impériales indirectement défenseurs d'un monde culturellement différencié, les hommes ayant pris pour exemple le Christ ou Mahomet pour préférer le pardon à la rancoeur et le partage à l'abondance cupide, les hommes attachés à la tradition et les classes sociales populaire et moyenne participant à l'activité productive et assumant le principe de réalité au sens freudien.
On a compris que Soral était un con. C'est bon !

Certains ont des obsessions écologistes, pour la cause homo ou animale. Est-ce un problème ? Non, c'est leur vie. Soral a son propre combat contre l'activisme sioniste et le communautarisme juif. Merci aux écologistes et autres de faire un effort d'argumentation et merci à Soral, même s'ils sont tous de mauvaise foi. Malgré ses tares de sophiste contradictoire, comment retirer à Soral qu'il est le seul en France à nous donner des indices sur le communautarisme juif et l'activisme sioniste ? En effet, je ne sais pas dans quelle tour d'ivoire vous vivez mais nous, en France, on est sommés par le PAF de considérer le danger d'un communautarisme musulman. Sachant que la tendance n'est pas fondamentalement musulmane mais humaine, on s'intéresse logiquement à l'angle d'attaque d'Alain Soral sur d'autres possibles communautarismes et si vous en pensez les Juifs incapables, dîtes-le tout de suite. Soral n'est pas mon guru, il est con-plémentaire ! Il complète les autres et il est comme il est. Au principe de précaution contre l'antisémitisme acquis via l'' « Education » nationale et les médias, il ajoute d'autres principes de précautions dans notre tête, même s'il tend à effacer le premier...

Alain Soral, il est comme tout ceux qui ont déjà considéré le fait qu'un raisonnement pouvait être neutre et objectif : quand il ne ment pas, il est tiraillé entre la nécessité d'être le plus juste et objectif possible et la tentation de laisser son cœur et son idéologie guider sa raison. On a tous une Weltanschauung (paradigme en fonction de sa sensibilité intellectuelle) qui dans ma métaphore est d'autant plus chaude qu'elle est ancrée, partisane, morale et émotionnelle : chez la plupart des hommes, elle est bouillante et ces hommes ne quittent pas la doxa ; chez les quelques autres elle varie entre le chaud et le tiède avec parfois la prétention de l'avoir froide contrairement à ses adversaires. Mais l'avoir froide demande un travail quotidien d'expérience de toutes les perspectives possibles afin de prendre un recul philosophique et politique relevant de la belle utopie.

Mézigue, je pense que l'ancrage politique (et philosophique (et a fortiori votre caractère, votre personnalité, votre goût)) n'est pas absent de vos billets, que vous masquez mal la chaleur de votre Weltanschauung. Pour deux raisons :
  • Premièrement votre définition de l'antisémitisme n'est pas réduite au racisme anti-juif mais est plus large comme l'atteste votre citation de Taguieff (il existe pourtant d'autres options comme assimiler racisme anti-juif et ce terme d'antisémitisme rendu alors obsolète, option vigoureusement défendue par E&R qui présente la distinction racisme/antisémitisme comme l'indice d'une marque de racisme anti-goyim) ;
  • Deuxièmement chez vous Soral est rapidement un bouffon alors que d'autres présentent exactement, sous d'autres formes, les mêmes tares d'orgueil, d'essentialisation, de sophisme, etc. Soral est au même niveau que ses adversaires mais c'est le seul bouffon.

Donc vous n'êtes pas froid. Il y a une once d'animosité et de politique chez vous. Votre ironie intellectualisante ne trompe pas.

On peut retirer à Soral les titres qu'il se donne abusivement mais il restera un écrivain engagé, un « artiste » comme le qualifiait Dieudonné.

Un artiste qui pousse des citoyens de familles chrétiennes, musulmanes, athées ou même « juives du petit peuple » (Soral appelle les Karaïtes du XXIe siècle à le rejoindre)  à lire des livres pour acquérir une conscience politique que la société de consommation est loin de leur apporter. Il est bouleversant de voir ces banlieusards dévorer des pavés sur l'Histoire de France parce qu'ils y ont été motivés par un mouvement politique dont la franch(ouillard)ise n'a aucun égal.

Un souci étant que parmi ces ré-éditions se trouvent des bouquins expliquant et justifiant l'antisémitisme. Ainsi beaucoup de lecteurs sont poussés à avoir dans l'idée de lutter contre l'envahisseur juif... ça y est, je l'ai dit : les ré-éditions de Kontre Kulture et le phénomène constaté chez les sympathisants est comparable à un phénomène années 30 qui dément la prétention de Soral de ne dénoncer que le débordement juif. L'homme dans sa bêtise transforme « débordement juif » en « juif » par paresse dans l'expression orale ou écrite, tandis qu'il n'est pas aidé par la tendance de Soral au glissement sémantique et au confusionnisme. Il suffirait pourtant à ce dernier d'éduquer son public au danger de l'antisémitisme, mais comme il s'appuie sur ce sentiment pour vendre...

Par ailleurs, Soral est un écrivain qui apportait jusqu'à 2010 son angle frais, dissident et intéressant chez Taddéï. Mézigue, vous cherchez l'antisémitisme là où est probablement mais n'avez-vous pas la même démarche avec le plausible abus de pouvoir sioniste et l'arbitraire qu'il réintroduit ? Concernant ce dernier, vous ne cherchez pas à vous informer plus avant sur les prétentions, les enquêtes et les preuves qui s'accumulent (Wiesel nan ?!) ? En 2013 quand on prétend s'intéresser au monde dans lequel on vit, il faut vraiment être dépourvu de curiosité intellectuelle ou aveuglé par le phénomène laïquement religieux construit autour de la Shoah pour ne pas s'intéresser aux articles d'E&R – et quand je parle des articles d'E&R, je parle de quelque chose d'évidemment beaucoup plus vaste que l'oeuvre de Soral.

P.S. : Dans l'idéal on s'exprimerait sans l'influence de ses appartenances diverses (philosophiques notamment) et sans son identité d'homme (jugements de goût quand on estime l'humour de Dieudonné, caractère personnel quand on le heurte à celui de Soral, etc). Le problème, c'est l'identité, qui définit les acquis et les limites du cœur et de la raison chez un tel, qui entraîne l'absurdité de la volonté d'être objectif ; mais qui entraîne aussi, de façon plus réjouissante, l'enjeu perspectiviste d'aller comprendre les AUTRES points de vue. Et parmi ces paradigmes imparfaits figurent notamment les points de vue torturés de Soral et même de Robin qui dans sa pathologie et sa bêtise indéniables nous aide (bien peu) à relativiser notre vision de la gauche. Je n'ai pas le mépris aussi facile que vous, et j'ai raison. C'est mon perspectivisme qui me pousse vers la différence et je pense que c'est un principe de sagesse nécessaire à une démocratie authentique.

Taddéï est un esprit libre que j'admire. Il a une ouverture d'esprit assez exceptionnelle dans le monde médiatique et un sens du perspectivisme prononcé. Je crois qu'on n'avait pas vu de présentateur d'émission intellectuelo-culturelle aussi froid, amoral et donc professionnel depuis Bernard Pivot et son Apostrophe. En effet, à l'époque, les émissions culturelles, ils faisaient de la culture, juste de la culture, pas de la morale.

Après un rapprochement entre Taddéi et le vieux Pivot, je ferais un rapprochement assez facile entre Desproges et Dieudonné. A l'époque les tabous intellectuellement inhibiteurs n'étaient pas les mêmes. Israël était légèrement plus critiquable sans entraîner lynchage général.

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